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Reconstruction du centre-ville ? Ou des bâtiments publics?

Port-au-Prince, 24 sept  2012 – Malgré le retrait, le 29 mai dernier, du décret qui a bloqué la reconstruction du centre-ville de Port-au-Prince pendant presque deux années, des questions, des frustrations et des doutes planent sur un éventuel redressement du centre économique, culturel et politique de la nation. Les indices montent que le gouvernement est mieux intéressé à la reconstruction de ses bâtiments publics plutôt que la mise en place des infrastructures nécessaires pour tous les secteurs.

Une intersection du boulevard Jean-Jacques Dessalines (« Grand Rue ») et une rue transversale, bloquée par des détritus et des marchandes. Photo: AKJ/Evens Louis

Un jardin de maïs et de pois à l'angle des rues Pavée et du Centre. Photo: AKJ/Evens Louis

Plusieurs rencontres et colloques ont été organisés sur le projet de la reconstruction du centre-ville. Beaucoup de déclarations et d’études ont été faites, des milliers de dollars et de gourdes déjà dépensés. Cependant, plus de 32 mois après le séisme du 12 janvier 2010, rien de patent – mis à part l'enlèvement des gravats – n’est encore fait, sinon, l’arrêtée des décrets et l’existence de quelques documents. Peu de bâtiments construits, et une seule route semble être en réparation. Au bas de la ville : des décombres par-ci et par-là, au moins quatre jardins de maïs, des maisons en ruine, des ordures jonchant les rues, desquels émanent une odeur nauséabonde qui empeste l’air.

Un centre-ville, centre de confusion

Un certain nombre de « grands propriétaires » du bas de la ville ont semble-t-il déposé la clé sous le paillasson. Ils se sont dirigés vers Tabarre, Pétion-ville, Delmas… laissant la place pour la plupart, aux détaillants qui investissent les rues poussiéreuses sous un soleil torride. Ces derniers semblent sans espoir.

« Port-au-Prince, ne sera jamais ce qu’il a été, il y a 25 ans de cela », regrette un commerçant, la cinquantaine bien sonnée, assis dans son magasin d’appareils électroménagers quasi vide à la rue des Miracles.

« Rien ne va se faire » ajoute-t-il, soutenant que les locaux qu’il occupe actuellement ont été victime de pillage post sismiques.

En dépit de la ferme confiance et détermination que ne cesse d’exhiber le gouvernement de Michel Martelly-Laurent Lamothe, une enquête menée par Ayiti Kale Je (AKJ) auprès de 15 commerçants révèle que la majorité d’entre eux restent sceptiques et ne sont pas informés sur le processus de la réfection du centre-ville. Certains envisagent même de le quitter, pour d’autres endroits plus cléments, vu la situation dégradante dans laquelle ils essayent de mener leurs affaires. Très méfiants, ils n’ont accepté de parler qu'à condition de ne pas être identifiés.

« Il n y a rien de sérieux qui se fait au bas de la ville, et je ne vois pas de volonté manifeste [de reconstruction]. Malgré la levée des restrictions, la situation demeure la même », déplore une propriétaire d’une grande quincaillerie qui fonctionne au bas de la ville depuis plus de 60 ans.

« D’après ce que j’ai entendu à la radio, ils ont dit qu’il allait y avoir un `zoning` où, tel endroit allait accueillir les banques, tel autre les bâtiments publics, jusqu’à présent, à ce que je sache, ils n’ont dit à personne ce qu’il devait faire. Moi, pour le moment, ça ne m’intéresse pas de faire quelque chose, car le pays est très drôle, tu peux penser essayer de faire  quelque chose, pourtant c’est pour tout perdre », ajoute-t-elle.

Le squelette d'un bâtiment délabré incliné sur les marchandes, les piétons et les
vehicules circulant sur le boulvard Jean-Jacques Dessalines.
Photo: AKJ/Evens Louis

Cependant, le gouvernement haïtien y tient mordicus !

Monsieur Michel Présumé, de l’UCLBP (Unité pour la Construction de Logements et de Bâtiments Publics), une entité du gouvernement, vieille de moins d`un an, dans un entretien en date du 19 juin 2012, est confiant quant aux possibilités pour le projet d’aboutir à des résultats positifs : « Le centre-ville a été pendant longtemps,  il va revenir, ce qu’il était et même encore mieux qu’avant, le poumon économique du pays. Il va falloir qu’on finisse les études. On y travaille sérieusement, nous ne chômons pas ».

Un décret d’utilité publique inutile

Le tremblement de terre du 12 janvier 2012 fut l’un des plus grands désastres urbains dans les temps modernes. En plus des 300,000 morts, « […] le tremblement de terre a engendré des coûts de reconstruction d’urgence estimés à 11,5 milliards USD, et a détruit plus de 80 % de Port-au-Prince, plusieurs villes et villages environnants, les sièges des trois pouvoirs de l’état, 15 des 17 ministères, 45 % des commissariats de police et un certain nombre de tribunaux » d’après un rapport sorti le 31 mars 2010, de l’International Crisis Group.

Sur cette toile de fond est venu se greffer le décret du 2 septembre 2010, du président René Préval, déclarant une zone de 200 hectares de terrain dans le centre-ville « d’utilité publique ».

Le décret interdisait toute reconstruction : « Tous travaux de construction, de percement de route, de lotissement ou autre exploitation du sol, ainsi que toute transaction ou aliénation immobilière sont et demeurent interdits sur toute l'étendue de l'aire définie en son article 1er ».

Madame Michelle Mourra, membre fondatrice d’une organisation se réclamant de défenseurs des droits et  intérêts des propriétaires, commerçants et des usagers du centre-ville, le SOS centre-ville, voit en ce décret « un coup de terrible ».

« Le secteur privé est peut être celui qui a subit le plus de pertes matérielles le 12 janvier 2010. L’arrêté d’utilité publique a été un coup plus terrible encore, car [le secteur privé] a assisté impuissant et pendant près de 2 ans, au pillage et à la destruction du centre-ville, en plus d’être empêché légalement à rebâtir et reprendre ses activités génératrices d’emplois et de revenus pour l’Etat », a-t-elle écrit dans une correspondance à AKJ le 16 juillet 2012.

Malgré la formation de SOS centre-ville, malgré les grognes du secteur privé des affaires, et malgré le changement de gouvernement en mai 2011, il a fallu encore 12 mois pour l’annulation du décret. Le 29 mai 2012, le décret Préval a été remplacé par cinq décrets Martelly. L’une de ces cinq, cette fois, désigne une partie beaucoup plus réduite du centre-ville « d’utilité publique ». Les autres indiquent les différentes zones comme « protégées », « réservés » ou « patrimoine nationale ».

Les lignes rouges indiquent la zone déclarée « d'utilité publique » par le Président Préval,
et la section jaune indique la zone
« d'utilité publique » du Président Martelly. Les
zones vertes et violettes sont dotées des statuts « protégées », « réservés » ou
« patrimoine nationale ».
Source: Gouvernement d'Haïti

« On a franchi un pas important qui est positif [avec la levée du décret de 2010] » a reconnut  Jean-Christophe Adrian, ex-coordonnateur de ONU-HABITAT, une unité des Nations-Unies spécialisée dans le logement et le développement urbain dans une interview accordée à (AKJ) le 20 juin 2012. « Le centre-ville joue forcément un rôle très important pour la ville de Port-au-Prince, pour Haïti en général, puisque ce centre-ville une fois reconstruit va redevenir, on l’espère, le cœur d’Haïti ».

Le décret de 2010 n’était pas le seul obstacle à la reconstruction du centre-ville. Si l’on tient également compte des plans, et des ébauches, qui proliféraient.

Plusieurs esquisses ont été proposées lors des différentes études menées : une par la Fondation Prince Charles de l’Angleterre, en partenariat avec la société de planification urbaine américaine Duany-Plater-Zyberk (DPZ), au coût pour le gouvernement haïtien d’au moins 295,000 $ US, et une autre par le groupe haïtien Trame/CHRAD et le magistrat de Port-au-Prince Muscadin Jean-Yves Jason. [Voir Dossier 7 – Impasse ? Qu’est ce qui bloque la reconstruction de la Capitale ?]

Pour sa part, le Ministère de la planification et de la coopération externe (MPCE), de concert avec ONU-HABITAT, ont organisé toute une série de rencontres en juillet 2010, ainsi que le forum « Vil nou vle a » (« La ville que nous voulons »), qui aurait réuni 700 personnes, en novembre 2011. Dans un livret de 68 pages écrit sur les activités, les organisateurs ont fait savoir que : « les rencontres et le forum ont été un processus de planification participative pour assurer la prise en compte des points de vue des populations concernées et leur appropriation par les principaux acteurs ».

Ce même document révèle que la firme principale travaillant sur le dossier de la planification de la reconstruction de la capitale est Daniel Arbour et associes (Groupe IBI/DAA). Cette société canadienne, qui travaille avec le MPCE, a développé « 6 esquisses de schéma d’aménagement et 18 plans d’urbanisme » pour 6 zones : « Port-au-Prince, l’axe des Jacmel-Marigot, l’axe des Palmes [Léogâne, Petit et Grand Goâve], les Cayes et leurs régions, le Cap-Haïtien et sa région et la commune de Saint-Marc ».

Cette page, tirée de la présentation du Groupe IBI/DAA datée du 31 novembre 2011, recommande que les débris de démolition soient utilisés pour remplir une section
du port de la capitale
« pour affirmer la volonté d'Haïti de se reconstruire ».
Source: Présentation Groupe IBI/DAA

AKJ n’a pas pu trouver d’information concernant les 24 esquisses et plans d’urbanisations. En revanche, Monsieur Harry Adam, le coordonnateur de l’UCLBP, a fait savoir que : « Le couloir administratif [de la capitale] coute environs 135 à 150 milles dollars ». M. Présume a lui confirmé que le plan a déjà été remis par la firme, mais cependant qu’il n’est pas encore rendu public. Il a aussi ajouté n’avoir aucun détail en ce qui concerne les autres plans et travaux qu’entreprenait ou qu’entreprend encore le groupe IBI/DAA pour le gouvernement.

Ayiti Kale Je n’a pas pu découvrir des details sur le montant total de tous les contrats décrochés par le groupe IBI/DAA, cependant, d’après un document du  Ministère de l’économie et des finances (MEF) daté du 15 septembre 2012 – « Etat des décaissements pour les projets financés par les fonds Petrocaribe » – un montant de 4 millions $ US était alloué à la « Réalisation des Etudes des Bâtiments Publics » dans les fonds du Petrocaribe.*

L’importance de l’infrastructure

Dans sa présentation titrée « Enjeux Stratégiques Le grand Port-au-Prince 2031 » datée du 31 novembre 2011, la firme a fait état du défi de structurer et « infrastructurer » des quartiers « sécuritaires et bien desservis, intégrés aux quartiers existants » et d’ « assurer la desserte des quartiers en infrastructures et améliorer la qualité de la vie » à travers de l’« approvisionnement en eau potable et en énergie, accès véhiculaire et piétonnier, assainissement et gestion des eaux usées et des déchets, [et] accès aux réseaux de télécommunications et internet ».

Pour M. Adrian de l’ONU-HABITAT, il n’y a rien d’anormal au fait qu’il ait plusieurs plans pour la reconstruction du centre-ville, mais l’infrastructure est importante : « C’est bien qu’il y a un débat autour de certaines idées et à un moment il faut dire : et bien maintenant, on va faire une synthèse de tout ça, on va prendre le meilleur du prince Charles, le meilleur de Trame, le meilleurs des autres, et puis on fixe le cadre et on y va ».

Les étalages des marchandes devant les portes fermées des magasins sur le boulevard Jean-Jacques Dessalines une matinée récente. Photo: AKJ/Evens Louis

Monsieur Présumé de l’UCLBP abonde lui aussi dans le même sens : « Tôt ou tard, il va falloir qu’on ait un plan directeur du centre-ville, encore plus de l’aire métropolitaine, du grand Port-au-Prince ». Plus loin, il a informé que son unité sera chargée de faire la synthèse ainsi que la supervision de la construction des bâtiments publics.

L’UCLBP, en collaboration avec le MPCE et plusieurs autres ministères, la mairie, le Comité interministériel de l’aménagement du territoire (CIAT) et d’autres organismes et agences vont travailler avec les fonds disponibles du gouvernement haïtien, ceux du Petrocaribe, sommes disponibles dues à l’allégement de la dette, et de subventions, y compris le don récemment annoncé de 4 millions $ US de Taiwan.

Déjà, l’UCLBP a ouvert trois chantiers pour trois ministères, notamment le ministère des Affaires étrangères et des cultes, le ministère du Commerce et de l’industrie et le ministère de l’Intérieur. Le prix global pour le gouvernement, d’après le document du MEF susmentionné, est de 35 millions $ US. Or, il n’est mentionné nulle part d’un budget pour les infrastructures pour le centre-ville. Bien qu’il existe d’autres documents et d’autres sources de financements, mais pourtant M. Présumé admis que l’administration ne peut pas tout faire.

Au dessus : Deux photos du chantier pour le ministère de l'Interieur. L'enseigne
n'indique pas la firme d'exécution, mais d'après le document du MEF, le gouvernement
a déjà versé 15 millions $ US. AKJ croit que la firme d'exécution est HADOM,
propriété du Senateur dominicain Félix Ramon Bautista, ou peut-être une de
ses autres compagnies. Toutes sont impliquées dans le scandale des contrats
douteux signés à la fin du mandat du président Préval et le premier ministre
Jean Max Bellerive.
Voir Dossier 19 pour les détails et les liens. Photos: AKJ/Evens Louis

 

Une page tirée du document « Projets Prioritaires » du gouvernement montrant
un dessin du bâtiment final.

 

Une autre page tirée du même document montrant un dessin du ministère
du Commerce et de l'industrie.

 

Exactement le même dessin, cette fois-ci tiré d'un autre document titré « Proyectos
Haití », émis par HADOM, propriété du Senateur dominicain Félix Ramon Bautista.
Le dit document propose 11 projets pour un montant de 340 millions $ US. AKJ
n'a pas pu vérifier si tous ces projets ont trouvé des financements. Cependant,
c'est fort possible que HADOM construirait les trois ministères en chantier. Le coût
pour la construction du ministère du Commerce s'élève à 10 millions $ US,
d'après le document du MEF.

« Il n’y a pas de développement dans un pays s’il n’y a pas un secteur privé dynamique. Le secteur privé doit accompagner [le gouvernement] ». Et, il reconnait qu’ :« Il faut être beaucoup plus réaliste et permettre à ces gens-là de véritablement commencer ».

Madame Mourra de « SOS centre-ville » n’attend que ça justement, elle voit  la reconstruction comme un « combite » (travail coopératif et collectif) : « La reconstruction du centre-ville, ainsi que du reste de la ville de Port-au-Prince est un travail gigantesque. Le gouvernement à lui seul ne pourra relever ce défi. Nous sommes tous concernés. Le moment est venu pour tous d’apporter leur collaboration », mais d’après les commerçants et beaucoup d’autres acteurs, le secteur privé ne peut pas faire le premier pas.

Par exemple, M. Adrian de l’ONU-HABITAT insiste sur le fait que la première chose à faire serait d’améliorer les infrastructures : « On ne peut pas reconstruire si on n’a pas de rues qui sont refaites, si on n’a pas un réseau pour l’écoulement des eaux, si on pas le service de l’eau qui arrive, si on n’a pas d’électricité. Il faut des routes, de l’assainissement et de l’électricité, voilà la première chose à faire ».

« Ces mesures d’accompagnement vont arriver » promet M. Présumé d’un autre côté. « Il faut mettre le secteur privé dans des conditions où, il se sent vraiment à l’aise, protégé et accompagné, de manière a lui-même prendre pas des risques, mais faire des projets ».

« Le gouvernement va jouer un rôle catalyseur important. Les premiers travaux vont très certainement être entrepris par l’Etat haïtien », rassura-t-il.

Comment les commerçants se sentent-ils ?

Le 13 septembre 2012, dans un échange par courriel, madame Mourra a fait montre d’une prudente réserve : « Les grands chantiers de l’Etat n’ont pas encore vraiment commencé, mais il y a un début ».

Une vue du chantier pour le ministère des Affaires étrangères sur le boulevard
Harry Truman.
Photo: AKJ/Evens Louis

L’enquête réalisée par AKJ en juillet dernier a découvert beaucoup plus que des doutes, des incertitudes et des frustrations. Parmi les enquêtés, la majorité n’était pas au courant du contenu des nouveaux décrets. Encore moins des diverses rencontres tenues.

« Je n’ai été à aucune rencontre, je n’ai jamais reçu d’invitation formelle non plus. Nous, les gens-d’ ici, on nous a jamais invité. Ils invitent ceux qui sont des leurs, ceux des banques, des grandes maisons, des gens comme cela », a fait savoir la propriétaire d’une quincaillerie au bas de la ville.

Comme tous les commerçants qui ont accepté d’accorder une interview, elle reste « très sceptique ». La porte de son magasin, relocalisé après le cataclysme dans un ancien dépôt, est difficile à percevoir derrière les entassements de détritus et les étals des marchands. Les camions ne peuvent s'approcher de son magasin, et elle pense avoir perdu des clients en raison du désordre qui règne dans le secteur du centre-ville.

Plus préoccupant encore est l’insécurité.

« La première chose qu’on était supposé avoir, c’est une police. Ceux qui sont là, sont soit nonchalants, soit ils peurs et, ils ont raison d’avoir peur, car, ils n’ont aucun encadrement pour faire le travail qu’ils sont supposés faire, à savoir : protéger, et aider la population. C’est la première chose qui devait avoir, or, on ne l’a pas », critiqua-t-elle.

Une intersection typique sur le boulevard Jean-Jacques Dessalines. Le bâtiment
émietté avec un étage en beton attire l'attention. Une jeune femme avec un enfant
est debout sur le rez-chaussée à côté.
Photo: AKJ/Evens Louis

« Volonté » vs. Action

Finalement, ils ont commencé à démolir le Palais National, mais ce n’est pas le gouvernement qui le fait ; c‘est l’ONG américaine, JP/HRO, dirigé par la vedette hollywoodienne Sean Penn. En plus, des trois chantiers des bâtiments publics, visités récemment par le Président Martelly.

Et après ? Il y a « une volonté », d’après plusieurs acteurs.

« Il y a une volonté politique au plus haut niveau. Le président de la république s’engage. Ça c’est la première chose », suppose M. Adrian.

M. Présumé de l’UCLBP a fait dégagé la même idée : « Il y a quand même une volonté de la part des autorités de faire des choses ».

Nonobstant, les réflexions des commerçants n’ont pas le même ton :

« S’ils avaient la volonté, ils auraient déjà commencé. Il y a des endroits où, il y a encore des décombres. L’argent reste dans les hauteurs, il ne descend pas, cela veut dire que les malheureux n’ont pas de gouvernement », désapprouve une vendeuse de boissons gazeuses incapable de mener son affaire par manque d'électricité.

« Tout le monde aime de belles choses », soutient une caissière d’une petite affaire qui œuvre dans la climatisation. « Même là à Porto-Rico, ou, aller en République Dominicaine, les choses sont plus ou moins belles. On aimerait bien voir son pays comme tous les autres. Mais, c’est chacun pour soi, ici, tout le monde organise sa poche, une fois que tu fais de l’argent, c’est fini. Je croirai quand je verrai, je serai bien contente, oui, parce je suis quelqu’un qui aime les belles choses, les choses propres ». En effet, c’était une quinquagénaire soignée et très raffinée.

Les marchandes étalent leurs marchandises sur les toits d'un bâtiment émietté.
Photo: AKJ/Evens Louis

« Je n’ai rien à dire. Je n’entends rien, je ne vois rien. En attendant le retour du Christ, je suis obligé de travailler pour subvenir aux besoins de ma famille, mais, rien de ce pays ne m’intéresse, car, plus rien ne sera comme avant », maugréa le commerçant qui tient le magasin d’appareils électroménagers.

M. Présumé, qui est responsable lui-même de la supervision de la reconstruction des bâtiments publics, répond aux sceptiques et aux journalistes pour dire : « C’est vrai, nous avons une culture de parler et les résultats ne suivent jamais. Vous avez tout à fait raison d’en douter. Mais moi, ce que simplement je peux vous dire, c’est que nous sommes très sérieux et nous allons délivrer ».

Dans une entrevue le 8 août dernier, son superviseur M. Adam concède au fait que la reconstruction avait été bloquée pendant une longue période. Ce qu'il faudrait est: « un secteur privé qui ait des plans, des projets dynamiques qui a des ressources qu’il faut et un État qui donne le ton ».

Toutefois, la propriétaire de la quincaillerie a besoin de plus que « le ton »: « Je ne suis pas intéressée à investir une gourde en ces lieux, car, ils devaient commencer par  mettre les infrastructures nécessaires ». 

Si l’UCLBP se charge des bâtiments publics, dans ce cas qui est responsable de la reconstruction du centre-ville ? Quelle entité va réaliser les travaux d’infrastructures ? La mairie ? Le Ministère de la planification et de la coopération externe ? Le Ministère des travaux publics ? Et qui se charge de tout coordonner ?

 

* Ce fonds est le résultat d’un accord permettant à l’Etat haïtien d’acquérir des produits pétroliers du Venezuela, pour être par la suite revendus aux compagnies locales. Un pourcentage des recettes représente un prêt devant être remboursé sur 25 ans avec un taux d’intérêt annuel de 1 %. Le gouvernement utilise l’argent pour financer des projets de développement.

Voir Expo Habitat, Exposition de gaspillage, de cynisme

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