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Élections 2010

Pourquoi des élections, et sont-elles nécessaires pour la «reconstruction» ?

Les haïtiens participent à des élections depuis quasiment l’indépendance. Mais c’est seulement à la fin de la dictature des Duvalier en 1986 que le pays a fait ce que l’on appelle des élections « libres ». Depuis, Haïti a déjà réalisé plus d’une douzaine d’élections pour élire présidents, parlementaires, maires et représentants communaux.

D’après le préambule de la Constitution de 1987, Haïti est une « démocratie qui implique le pluralisme idéologique et l’alternance politique », et parmi les devoirs des citoyens haïtiens, il y a celui de « voter aux élections sans contrainte » [Article 52-1]. C’est à travers les élections que le citoyen peut participer dans la vie politique du pays.

Mais, en Haïti comme dans d’autres pays, il semble y avoir une confusion entre « élections » et « développement ».

Leanne Dorvin, une vendeuse qui fait des allers-retours entre Vallue et Grand Goave, a indiqué à Ayiti Kale Je que « des élections seraient utiles » parce qu’ «il faut des gens pour aider ceux qui sont dans les rues et qui sont dans le besoin ».

Les gens disent que le gouvernement ne voit pas ou les entendre.
Photo: Acessomedias

La confusion chez Dorvin entre « élections » et service social de même que « développement » n’est pas étonnant, et se retrouve aussi chez le président René Préval.

« S’il n’y a pas un président élu, légitime, un parlement, une chambre basse, un Senat, à mon départ, s’il n’y a pas d’élections… cela créera de la méfiance et il ne pourra pas y avoir de développement » a-t-il déclaré lors de la visite d’une délégation des Nations Unies autour du mois d’avril.

Préval est correct dans les détails : le mandat de beaucoup de parlementaires a expiré, son propre mandat arrive à terme le 7 février 2011. Cela signifie que, d’après la Constitution de 1987, les élections du 28 novembre sont nécessaires. De plus si elles n’ont pas lieu, il est probable que les bailleurs et créanciers qui ont promis de l’argent au pays soient mal à l’aise.

Quelques semaines seulement après le 12 janvier, la communauté internationale a « commencé à appuyer l’idée des élections ». Edmond Mulet, représentant spécial de l’ONU en Haïti a indiqué qu’elles représentaient « un pas important dans le processus de renforcement de la démocratie et de réhabilitation de l’Etat ».

Colin Granderson, ancien secrétaire d’Etat de la CARICOM, a travaillé en Haïti dans les années 90 et est revenu récemment pour diriger une mission d’observation OEA-CARICOM ayant pour tâche de garantir des élections crédibles.

Granderson a indiqué à Ayiti Kale Je que les élections de 2010 sont extrêmement « importantes », et tout comme Préval, il a souligné la nécessité qu’il y ait un président et un parlement « légitimes » en charge d’assurer la «reconstruction » du pays.

Granderson, Mulet et Préval sont toutes correctes au sujet de la question de la légitimité, mais ils ont oublié de noter c’est que le pays souffre d’une crise économique et humanitaire qui date de bien avant le 12 janvier. En plus aujourd’hui, Haïti est en pleine crise politico-institutionnelle et ce ne sont  pas des élections qui vont nécessairement changer la donne.

En janvier dernier, le parlement haïtien a voté une «loi d’urgence » spéciale qui donne les pleins pouvoirs à la Commission Intérimaire pour la Reconstruction d’Haïti, dominée par Bill Clinton et des bailleurs internationaux, pour qu’elle « conduise le Plan de relèvement et de développement d’Haïti » jusqu’au mois d’aout 2011.

Selon Robert Fatton, professeur à l’Université de Virginie aux Etats-Unis, Haïti a « pratiquement perdu sa souveraineté » à cause de cette Commission ayant un éventail de consultants étrangers, de bailleurs et d’agences.

« De plus il n’est pas clair qu’un parlement élu pourra fonctionner dans une atmosphère où c’est cette commission internationale qui domine. »

Cependant selon Nicolas Jean Louis, ancien membre de INITE et transfuge de Fanmi Lavalass, « le mandat du gouvernement actuel va prendre fin, cela signifie qu’il faut le remplacer ».

Comme Préval, Jean Louis est convaincu que les élections permettront d’assurer de meilleurs services sociaux.

Voir la vidéo [Creole] pour plus de commentaires de Chomèy.

 

Quels sont les résultats de 23 ans d’élections jusqu’ici ?

Granderson a admis rapidement que la « transition démocratique » en Haïti n’est pas un succès total. Coup d’Etat, répression, assassinat, exil, instabilité. Il a reconnu également qu’il n’y a pas eu une grande amélioration des conditions sociales et économiques du peuple haïtien.

« Il est clair bien sur que « le rendement démocratique est très bas. Cela c’est très clair. Mais malgré cela je pense qu’on n’a pas jeté l’éponge en Haïti en ce qui concerne la démocratie…Il y a des choses qui changent…Pour moi il y a une évolution qui est en train de se faire »

Mais quelle évolution ?

Les commerçants ont couvert les affiches du parti au pouvoir avec leurs jeans
d'occasion, près des graffitis réclamant le retour du dictateur Jean-Claude Duvalier.

Photo: Acessomedias

Ayiti Kale Je a interrogé Anselme Remy, professeur à l’Université d’Etat d’Haïti, qui s’est dit opposé au point de vue de Colin Granderson.

[Lisez extraits d'une interview avec Anselme Remy à propos des élections de 1990]

Remy, qui a enseigné à las facultés de quatre universités américaines, y compris Fisk, Northeastern State et Clark, qualifie les élections du 28 novembre de « perte de temps, d’argent » et de «compromis anti-national ».

Selon lui, le type de démocratie en Haïti est une « démocratie bourgeoise » où c’est l’argent et la classe qui déterminent qui prendra la tête du pouvoir.

Les candidats à la présidence approuvé par le Conseil électoral provisoire (CEP).

« Ces élections sont un exemple typique d’élections dans un contexte de démocratie bourgeoise. Premièrement il y a une série de règles de qualification, qui définissent clairement le caractère de classe. Par exemple pour être candidat il faut donner en dépôt 500 000 gourdes » soit «près de 12 000 dollars américains. C’est une fortune en Haïti ! ».

Le système de financement de campagne par des compagnies ou des banques est déjà très développé aux Etats-Unis. Les candidats au Senat dépensent parfois 50 millions de dollars américains et aux élections de 2008, Barack Obama avait dépensé 740 millions. Pour Remy ce système est « encore plus grossier » que celui qui existe jusqu’à présent en Haïti.

Partie 2 – Élections 2010

Extraits d'une interview avec Anselme Remy à propos des élections de 1990

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